backtotop

“liberté, égalité, sécurité”… voici venir l’ère des dictatures numériques

C’est un bien étrange vent, que celui qui souffle en ce moment sur la planète numérique…

La directive européenne de Juin 2002, qui permet aux Etats membres d’exiger légalement des fournisseurs d’accès et autres opérateurs qu’ils mettent en oeuvre la rétention des données de connexion et de géo-localisation de toutes les communications (mobiles, messages texte, téléphones fixes, fax, e-mail, forums de discussion, IRC, accès internet ftp et web, et tout autre moyen de communication électronique) est à cet égard édifiante.

Comme l’est la délirante liste d’Europol, qui précise ses souhaits, en complément de ceux du G8, en matière d’interception et stockage de ce type de données…

En fait, c’est à l’extraordinaire conjugaison des intérêts des agences policières et de sécurité, des industries du disque et du cinéma, des médias (détenus par ces mêmes groupes industriels) et des éditeurs de logiciels propriétaires que l’on doit cette accélération d’un processus qui, jusqu’alors, se trouvait freiné par des contre-pouvoirs. Les attentats du 11 Septembre sont venus faire table rase des rationalités, des derniers garde-fous contre la mise en oeuvre de solutions que l’on qualifiait hier encore de totalitaires.

Quel paradoxe !

C’est au moment où la Commission, après avoir officialisé l’existence du système mondial d’espionnage Echelon mené par les Etats-Unis, leur allié européen Anglais et les membres de l’UKUSA, incite les européens à se protéger, notamment par le chiffrement des échanges des entreprises et des particuliers, que l’on assiste à la mise hors la loi de toutes les méthodes permettant aux citoyens de protéger leur privacité et leurs communications.

De qui se moque-t-on ?

Comment est-il possible que nos élus, sous la pression des lobbies des marchands de brevets, de sécurité et de propriété intellectuelle, puissent croire un seul instant qu’il faut priver légalement des millions de citoyens et d’entreprises de l’usage de la cryptographie, par exemple, dans l’espoir stupide qu’un éventuel terroriste soit arrêté par cette interdiction ? C’est tout simplement pathétique.

Pire, le discours “sécuritaire” permet toutes les dérives, comme le fichage génétique de simples suspects (fichier FNAEG), comme la légalisation à postériori du fichier STIC en France, ou encore la remise en question du secret professionnel dans le cadre des décrets d’application de la LSQ, qui entérinent la création d’un “Centre Technique d’Assistance”, couvert par le secret défense, dont les “travaux” ne sont susceptibles d’aucun recours…

Tout ceci dans l’assourdissant silence des médias, ou, plus exactement, dans le bruit de fond sécuritaire qu’ils entretiennent, jouant à la perfection le rôle qui est le leur : porte-voix des industriels qui font leur capital, et dont les intérêts exigent l’asservissement des outils de communication numérique à la fonction de guichet de vente de contenus sous copyright…

Parce que les marchands ne sont pas en reste, bien sûr…
Profilage systématique des utilisateurs, violations flagrantes de la vie privée par la collecte et la revente d’informations personnelles aux “information brokers”, c’est à qui sera le plus performant dans cette entreprise de fichage généralisé. Les éditeurs de logiciel, comme Microsoft, sont les champions de la fuite organisée d’informations à votre insu en direction de leur bases de données. Préférences politiques, sexuelles, habitudes de connexion, rien ne leur échappe, tous les intéresse…

Pendant ce temps là, les Etats légifèrent sous la pression des lobbies, criminalisant la violation de copyright, assimilant l’intrusion informatique à un acte de terrorisme. Les industries du disque et du cinéma revendiquent maintenant le droit à la perquisition numérique à distance, le droit de corrompre des fichiers dans les réseaux, pourquoi ne pas leur accorder ? Tout serait tellement plus sécurisé.

C’est un vent mauvais.

L’ignorance et l’indifférence du grand public, l’inquiétante incompétence des élus et parlementaires dans ces domaines, manipulés par de puissants groupes de pression, amènent progressivement la confiscation de toutes les libertés sur le réseau, alors qu’il prend une place fondamentale dans nos vies.

Tous les éléments du pire cauchemar totalitaire se réunissent peu à peu sous nos yeux. C’est la fin d’un espace de liberté, et le début de l’ère des dictatures numériques.

Le verrons-nous à temps ?